Tasse-toé, parce que tu vas y goûter!

FRANKIE BERNÈCHE

Ph.D., professeur de psychologie

 

POINT DE VUE / La scène troublante de l’homme de la Côte-Nord qui a délibérément roulé sur un jeune orignal à deux reprises est chargée d’une telle agressivité que plusieurs en sont encore dérangés. Les propos méprisants que ce jeune entrepreneur tenait envers l’animal ainsi qu’envers les Autochtones sont également fort révélateurs d’une rage sans commune mesure.

Que penser de ces agissements ?

Sur le plan psychologique, l’analyse des comportements nous oriente clairement vers une crise (une forme de décompensation) liée à un trouble en santé mentale dont l’impulsivité est incontrôlable.

Ce genre de crise qui peut facilement être associée à une série d’événements actuels de violence irrationnelle telle que les féminicides, les tueries à Montréal, etc.

La grande majorité des individus montrant un tel niveau d’impulsivité sont des personnes en détresse qui présentent un trouble de la conduite (TC) dont le premier critère est lié à des agressions envers des personnes ou des animaux.

La plupart des individus TC manifestent aussi d’autres problèmes tels des troubles anxieux, paranoïaques, narcissiques, un trouble explosif intermittent et des troubles d’opposition avec provocation. Bref, tout un «cocktail explosif» qui exprime une très grande détresse.

L’enfance

Dans la grande famille des troubles en santé mentale, plusieurs problématiques sont avant tout d’origine psychoaffective, c’est-à-dire occasionnées par une enfance stressante, voire traumatisante (rejet parental, discipline excessive, abus physique, etc.).

Malheureusement, la majorité des enfants malmenés qui n’ont pas reçu de protection adéquate vont exprimer plus tard une forme de «rage narcissique» telle qu’exprimée par ce jeune adulte de Sept-Îles. Une colère incontrôlable qui est activée à tout moment sans crier gare.

En fait, lorsque ce jeune homme en détresse dit, sur la vidéo: «Tasse-toé, parce que tu vas y goûter», ce n’est pas qu’au jeune orignal qu’il s’adresse, mais à toute la société en général, tous ces gens (hommes, femmes, institution) qui n’ont pas su le protéger.

Pour lui, la société entière représente tous les individus non protecteurs, voire complices de ses mauvais traitements dans l’enfance.

Et c’est ce lien entre son passé de victime à l’enfance et sa rage actuelle adulte, que l’homme n’a pas encore compris. Mais sans cette compréhension, ses troubles d’adaptation perdureront.

Ce qui est aussi inquiétant, c’est que des individus comme ce jeune homme, il y en a beaucoup en circulation (entre 10% et 15% de la population présentent des troubles de la conduite). Telles des bombes à retardement qui menacent d’exploser à tous moments, des grenades dont la goupille de sécurité n’a pas tenu le coup en période de COVID (période de confinement), ces individus hommes et femmes représentent un réel danger.

Il faut donc être très à l’écoute et extrêmement sensibles à toutes manifestations agressives de ce genre et ne surtout pas les banaliser. Ces individus ont réellement besoin d’aide et ce n’est pas une contravention de quelques centaines de dollars qui fera la différence.